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le rapport de l'ONU 2011 sur Madagascar. Eloquent !

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le rapport de l'ONU 2011 sur Madagascar. Eloquent ! Empty le rapport de l'ONU 2011 sur Madagascar. Eloquent !

Message par Les enfants d'ankasina 7/9/2011, 17:05

Lire surtout les pages 1/2/3 et 11/12/13
Wink
NATIONS UNIES
HAUT COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES
AUX DROITS DE L’HOMME
PROCEDURES SPECIALES DU CONSEIL DES
DROITS DE L’HOMME
UNITED NATIONS
OFFICE OF THE UNITED NATIONS
HIGH COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS
SPECIAL PROCEDURES OF THE HUMAN
RIGHTS COUNCIL
MISSION DU RAPPORTEUR SPECIAL SUR LE DROIT A L'ALIMENTATION, M.
OLIVIER DE SCHUTTER, A MADAGASCAR (18 AU 22 JUILLET 2011)
CONCLUSIONS PRELIMINAIRES
I. Introduction

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation, M. Olivier De Schutter, a
effectué une mission officielle à Madagascar du 18 au 22 juillet 2011, à l'invitation de la Haute
Autorité de la Transition (HAT). Compte tenu de la non-reconnaissance du Gouvernement actuel par
la communauté internationale, la seule rencontre organisée au niveau ministériel l'a été avec Mme la
Ministre des affaires étrangères, Mme Yvette Sylla. Au cours de sa mission, le Rapporteur spécial a
par ailleurs eu des entretiens avec le Ministère de la justice, avec le Ministère de la santé, avec les
Ministères de l'agriculture, de la pêche et de l'élevage, avec le Ministère de l'Aménagement du
territoire et de la décentralisation, avec le Ministère de l'eau et de la sanitation, avec le Ministère de la
population, et avec l'Office national de la nutrition (rattaché au Premier Ministre). Il a pu s'entretenir
avec des responsables du Fonds d'intervention pour le développement (FID).
Il a également eu des
rencontres avec la communauté des donateurs et avec les agences des Nations Unies sur place, ainsi
qu'avec des experts et avec des organisations non-gouvernementales.
La mission a inclus la visite de la maison centrale d'Antanimora (Antananarivo), celle du Village du
Millénaire à Sambaina, celle d'un projet d'agriculture péri-urbaine développé en périphérie de la
capitale avec le soutien de la FAO, et celle de plusieurs guichets fonciers dans les communes de
Mahitsy et de Ampanotokana. Le Rapporteur spécial exprime sa reconnaissance à la HAT pour avoir
facilité sa mission et pour la coopération dont il a bénéficié de la part des autorités, ainsi qu'au soutien
de la mission pays des Nations Unies.
II. Situation de l'insécurité alimentaire
Au moment de la mission, la pauvreté et l'insécurité alimentaire à Madagascar atteignaient des
proportions dramatiques. Selon les derniers chiffres disponibles, 76,5 % de la population se situe endessous
du seuil de pauvreté, fixé à 468.800 ariary (234 USD) par an et par personne. Ceci représente
une hausse de 8 points par rapport à 2005, lorsque 68,7 % de la population se situait en-dessous du
seuil de pauvreté : les progrès enregistrés en 2005-2008 ont été effacés au cours de la période 2009-
2011. Les enfants sont affectés de manière disproportionnée. 84,5 % des enfants de moins de cinq ans,
et 82,1 % des enfants de 5 à 14 ans, sont dans une situation de pauvreté. L'extrême pauvreté, endessous
de 117.200 ariary (58 USD), concerne 9 % des enfants de moins de cinq ans, et 8,5 % des
enfants de 5 à 14 ans. Bien que la pauvreté soit généralisée, elle affecte plus encore la population
rurale : le taux de pauvreté est de 82,2 % dans les campagnes, pour 54,2 % dans les villes. La
déscolarisation accompagne la progression de la pauvreté : selon des chiffres du Ministère de
l'Education nationale, le nombre d'enfants de 6 à 10 ans en-dehors du système scolaire a augmenté de
53 % entre l'année scolaire 2008-9 et l'année scolaire 2009-10, et le nombre d'enfants qui travaillent
augmente.
La croissance démographique forte (environ 3 % par an) contribue à l'augmentation de la pauvreté, les
familles les plus pauvres étant aussi celles qui comprennent le nombre de membres le plus élevé : le
taux de pauvreté est de 89,2 % parmi les familles de plus de sept personnes. Des facteurs climatiques
jouent aussi un rôle. Madagascar figure parmi les trois pays les plus vulnérables au changement
climatique, après l'Inde et le Bangladesh. La fréquence des sécheresses, des cyclones et des
inondations, est appelée à s'accroître à l'avenir sur l'île. En mars 2010, le cyclone Hubert a affecté
gravement la production agricole dans certains districts, notamment Vangaindrano, détruisant 61.000
2
hectares de terres agricoles. En février 2011, le cylcone Binzinga a frappé les régions du Nord-Est de
l'Île. L’ouragan Hubert du 10 mars 2010 a par exemple détruit 61 000 hectares de terres agricoles, et le
Cyclone Bingiza a également provoqué d’importants dégâts en février 2011. Ces cyclones sont plus
fréquents et plus violents que par le passé. En outre, le pays est régulièrement victime d'invasions de
criquets qui détruisent les récoltes. La recrudescence des criquets migrateurs observée dans le sudouest
du pays depuis l’été 2010 menace actuellement de compromettre les moyens de subsistance de
13 millions de personnes (deux tiers de la population de l’île), à moins d’une campagne à vaste échelle
évaluée à 7,6 millions USD par la FAO, qui devra se dérouler durant la prochaine période de pluies
pour coïncider avec la période de reproduction du criquet (novembre 2011-mai 2012). La vulnérabilité
du pays aux catastrophes naturelles est donc extrême : le pays a enregistré 46 désastres naturels
(cyclones, les sécheresses, les épidémies, les inondations, les famines, les invasions acridiennes)
affectant cumulativement plus de 11 millions de personnes au cours des 35 dernières années, causant
des dommages estimés à 1 milliard USD.
La crise politique, qui a conduit le 17 mars 2009 au départ forcé du président Marc Ravalomanana et à
l'installation au pouvoir de Andry Rajoelina, a aggravé la situation : l'échec de la tentative de
médiation conduite sous l'égide de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) a
conduit celle-ci à confirmer son refus de reconnaître comme gouvernement légitime du pays la Haute
autorité de transition dirigée par M. Rajoelina, et l'Organisation des Nations Unies et l'Union
européenne, de même que l'Union africaine, ont emboîté le pas à la SADC. L'isolement diplomatique
imposé au pays depuis, combiné à des sanctions économiques, ont eu des impacts importants sur la
capacité de l'Etat à fournir à la population les services de base que celle-ci attend de lui.
Les impacts sur la sécurité alimentaire sont visibles. 35 % de la population rurale a faim -- un chiffre
qui s'élève à 47 % parmi les petits agriculteurs et à 43 % parmi les travailleurs agricoles journaliers --,
et entre 48 et 50,1 % sont vulnérables à l'insécurité alimentaire. Cette situation est demeurée
pratiquement inchangée depuis vingt ans. La situation du Sud est la plus dramatique : 68 % des
ménages dans cette région se trouvent en insécurité alimentaire. La faim affecte de manière
disproportionnée les ménages dirigés par les femmes ou par des personnes âgées. Dans les districts du
Sud, plus de la moitié des ménages n'avaient pas de revenus courants leur permettant de faire face aux
seules dépenses alimentaires. Pour ne pas mourir de faim et faire face aux dépenses de base, les
ménages réduisent le nombre de repas, et passent à des régimes alimentaires moins diversifiés,
privilégiant le manioc ou la patate douce, le riz étant souvent devenu inabordable. Ou bien ils vendent
leurs animaux d'élevage, surtout au cours de la période de soudure qui s'étend d'octobre à mars. Mais
cette stratégie de décapitalisation est une impasse : elle annonce des difficultés plus grandes encore à
l'avenir. Ce pays est en régression, et une crise humanitaire majeure de profile.
II. Le cadre juridique et politique
Le cadre juridique et politique du droit à l'alimentation a été renforcé par l'adoption du décret n° 2004-
1071 du 30 novembre 2004 portant institution du Conseil national de nutrition (CNN), chargé de
définir les orientations stratégiques pour la mise en oeuvre de la politique nationale de nutrition. Placé
sous la tutelle du Premier Ministre, le CNN devrait en principe favoriser une coordination entre
l'ensemble des ministères concernés par la politique de sécurité alimentaire et entre le Gouvernement
et les autres acteurs (organisations non-gouvernmentales et agences internationales) impliqués dans
cette politique. C'est le CNN également qui devrait contrôler l'Office national de nutrition (ONN),
organe d'exécution de la politique nationale de nutrition. Celle-ci passe par l'adoption et la mise oeuvre
d'un Plan national d'action pour la nutrition (PNAN) énumérant un ensemble d'actions concrètes à
adopter dans des délais déterminés, dans des domaines allant de la promotion de l'allaitement maternel
à la prise en charge des enfants malnutris, et de la préparation aux urgences nutritionnelles au
développement de la capacité nationale, et comprenant la mise sur pied d'un système national de
surveillance alimentaire et nutritionnelle ; chacune des 14 stratégies énumérées s'accompagne de la
fixation d'objectifs précis et d'indicateurs permettant de vérifier les progrès réalisés. PNAN I (2005-
2009) est à présent arrivé à son terme, mais son successeur (PNAN II) n'a pas encore été adopté,
3
notamment en raison de la situation politique incertaine et du retrait des bailleurs de fonds dont
dépendait sa mise en oeuvre.
Madagascar s'est ainsi doté d'un cadre juridique et politique qui témoigne d'une volonté d'assurer la
concrétisation progressive du droit à l'alimentation par des stratégies ciblées, et coordonnées à travers
un ensemble d'intervenants, qui incluent, mais ne se limitent pas, aux organes centraux et décentralisés
de l'Etat. Cependant, plusieurs déficits subsistent. Le droit à l'alimentation n'est pas reconnu de
manière explicite dans la Constitution ou dans la loi, et ceci fait obstacle à ce que les cours et
tribunaux (à supposer même que leur indépendance soit suffisamment garantie, ce qui dans le contexte
actuel est loin d'être assuré) puissent en assurer la protection.
Le PNAN énumère un ensemble de mesures concrètes qui visent à contribuer à la réalisation des
objectifs qu'il se fixe, et ces mesures répondent à des besoins réels : en 2010 par exemple, 1.138 écoles
disposaient d'une cantine scolaire (sur un total de 27.000 écoles primaires dans le pays), 44 centres de
récupération nutritionnelle (CRENI) et 459 centres de récupération et d'éducation nutritionnelle des
malnutris sévères (CRENAS) avaient été créés (respectivement au niveau des districts et au au sein des
centres de santé de base), et 83.501 enfants de moins de 2 ans avaient reçu un apport nutritionnel.
Mais ces mesures n'aboutissent pas à investir les bénéficiaires de droits qu'ils sont en mesure de faire
valoir contre les autorités, et les personnes n'ayant pas accès aux services progressivement mis en
place n'ont pas accès à des mécanismes de recours.
En outre, le suivi de la mise en oeuvre des stratégies énumérées dans le PNAN pourrait être renforcé :
le Rapporteur spécial a été impressionné par le dévouement et le professionnalisme de l'ONN, mais
celui-ci, qui dépend de la Primature, n'est pas en mesure d'assurer un contrôle indépendant de
l'Exécutif. Le Bureau permanent du CNN (qui se réunit tous les trois mois) pourrait assurer ce rôle,
mais la moitié des seize membres du CNN sont des délégués de l'Exécutif. Madagascar ne dispose
actuellement d'une institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l'homme
respectant les principes de Paris, bien que le Gouvernement se soit engagé à établir une telle institution
dans le cadre de l'examen périodique universel auquel il a été soumis en 2010 : si une telle institution
devait être rétablie à l'avenir, ce que le Rapporteur spécial encouragerait fortement, elle pourrait
assurer cette mission de surveillance conjointement avec le CNN, afin de renforcer la qualité de la
surveillance de la mise en oeuvre du PNAN.
A l'heure actuelle cependant, le principal déficit dont souffre la mise en oeuvre de la politique
nationale de nutrition résulte d'un manque crucial de moyens. Ceci est lié notamment au
désengagement des bailleurs de fonds internationaux. Comme indiqué plus loin, ceux-ci doivent mieux
mesurer l'impact de leurs décisions sur la jouissance du droit à l'alimentation, en tenant compte de la
forte dépendance des services rendus par l'Etat à la population de l'apport de la communauté
internationale. Cependant, ce désengagement de la communauté internationale ne dispense pas la
HAT de consacrer le maximum de ses ressources disponsibles à la réalisation des droits économiques
et sociaux. Le Rapporteur spécial appelle la HAT à augmenter les dépenses consacrées à la nutrition,
compte tenu de la situation alimentaire et nutritionnelle dans le pays.
III. La disponibilité de nourriture : le soutien à l'agriculture et à la pêche
1. Soutien aux petits agriculteurs
Une agriculture qui érode dangereusement sa base
L’agriculture est un secteur crucial pour la société malgache : 80 % de la population active en dépend
et elle contribue pour 23% au PIB de Madagascar. La riziculture irriguée est l’activité agricole
principale : elle est pratiquée par environ 2 millions de ménages sur quelque 1.2 million d’hectares
(60% de la surface cultivée) répartis en une quinzaine de grands bassins de production, tandis que la
surface arable totale (cultures et prairies permanentes) totalise 3,5 millions ha de cultures permanentes.
4
Les parcelles, morcelées de génération en génération, sont de très petite taille (0.87 hectare en
moyenne), et les rendements moyens restent relativement bas (environ 2.5 t/ha).
La dégradation extrême des ressources naturelles de l’île a certes été accélérée par des catastrophes
naturelles, mais elle a également des origines humaines. Environ 1,2 millions d’hectares de forêt
auraient été perdus entre 1990 et 2005 et la déforestation s’est poursuivie à un rythme annuel
d’environ 40 000 hectares par an entre 2000 et 2005, soit un taux de déforestation de 0,53% par an. La
déforestation résulte principalement du défrichement pour la production de charbon, la collecte de bois
de chauffe ou de construction ; de la pratique de la culture sur brûlis, des feux de brousses noncontrôlés,
de l’exploitation commerciale illicite de bois précieux et de l’exploitation minière
industrielle ou artisanale. Des versants sont défrichés et mis en cultures pour répondre à la croissance
démographique, en utilisant des pratiques agricoles non-adaptées qui fragilisent les sols en les
exposant aux précipitations. L’érosion des sols, qui découle de cette déforestation, est un problème
majeur : elle est de l’ordre 200 à 400 tonnes de sol par hectare et par an, par rapport à une moyenne
mondiale d’approximativement 11 tonnes par hectare et par an. Cette érosion est un obstacle à une
dynamique d’agriculture durable et productive: la couche superficielle fertile du sol est constamment
érodée ou disparaît sur certains versants, rendant les sols inaptes à la production. Il devient donc
impossible de préserver les forêts malgaches sans soutenir les paysans à protéger les champs.
Miser sur l’agroécologie, l’agriculture de demain
Madagascar dispose d'une impressionnante gamme d'approches agroécologiques qui ont un potentiel
peu soupçonné dans le cadre de la lutte anti-érosive et de la diversification des activités économiques
des paysans. Selon les informations reçues par le Rapporteur spécial, une stratégie nationale qui
miserait sur ces pratiques pourrait rendre la Grande Île auto-suffisante en riz en trois ans.
Le système de riziculture intensif (SRI) par exemple permet de doubler ou tripler les rendements dans
une majorité des situations locales, et de quadrupler le rendement quand ses six principes simples sont
appliqués ; il permet également une économie de 80% des semences (ce qui rend possible l’achat de
semences améliorées), de de réduire de 30% la consommation d'eau. Le Rapporteur spécial se félicite
de ce que le Ministère de l’Agriculture développe une Stratégie Nationale de Développement Rizicole,
élaborée avec les Groupements SRI -- un réseau de 210 organisations membres regroupant 156 000
paysans en 11 plateformes régionales -- et incluant pour la première fois le SRI dans une stratégie
nationale. Ce système est praticable sur 20 à 28% des rizières malgaches, or seuls 105.000 hectares le
pratiquent actuellement, soit un tiers du potentiel. Le renforcement des capacités des Groupements
SRI pourrait aboutir à former une alliance nationale qui créerait des effets multiplicateurs en terme de
développement économique dans les zones rurales, par la création d’emplois dans des secteurs nonagricoles
tels que la production de sarcleuses ou de guano. L’agriculture de conservation constitue un
autre exemple de pratique agroécologique à haut potentiel pour l'Île, avec en particulier les
expériences fructueuses de semis sous couvert végétal (SCV).
Ces approches agroécologiques pourraient être développées à l'avenir. Le potentiel de l’agroforesterie
est ainsi resté longtemps peu exploré, mais des projets locaux font de plus en plus usage de plantation
d’arbres fruitiers, y compris avec des espèces légumineuses fertilisant le sol. Les pratiques de lutte
contre l'érosion sont vitales pour l'Île rouge : terrasses, haies, ou murets anti-érosifs, couplés à la
plantation de vétiver ou de plantes maraîchères, permettent de freiner l'érosion tout en créant des
sources durables de fourrage utiles aux éleveurs ou de produits vendables sur les marchés.
Madagascar n’a pas réellement d’autre alternative que d’investir dans cette voie. Le recours à des
engrais chimiques subsidiés et à une mécanisation rapide du secteur n’est pas une option réaliste pour
la Grande Île. Non seulement une telle stratégie n’améliorerait pas la résistance de l’agriculture
malgache au changement climatique, alors que les extrêmes climatiques frappent déjà durement l’île.
Mais en outre, les prix des engrais au niveau des paysans ont été multipliés par quinze entre 1990 et
2007, et qu'ils sont appelés à augmenter encore à l'avenir. Or malgré une relativement faible intensité
de l’utilisation (moins de 10 kg/ha), 20 à 30 000 tonnes d’engrais par an étaient déjà importés de 2000
5
à 2005, ce qui pèse significativement sur la balance des paiements du pays. L’utilisation de fertilisants
minéraux disponibles localement, tels le guano ou la dolomie, et un soutien à une diffusion des
techniques modernes de compost, de cultures de couverture et d’agroforesterie moderne pourront
fertiliser les sols sans entraîner un besoin accru de devises étrangères. Enfin, miser sur l’agroécologie
pourrait permettre à Madagascar d’espérer accéder aux financements carbone dans le cadre de la lutte
contre le changement climatique. Le FIDA estime que l’application d’une stratégie agroécologique
basée sur l’application du SRI, de l’agroforesterie et de techniques de lutte anti-érosives sur un site de
seulement 1500 hectares aboutirait au stockage de 1,25 millions de tonnes d’équivalent CO2 sur vingt
ans, et pourrait générer des revenus de 130 000 USD par an par les financements carbone applicables
à certaines pratiques agroforestières.
Les politiques de soutien aux petits agriculteurs
Le potentiel de ces pratiques reste pourtant largement inexploité. L’instabilité politique du pays a eu
pour conséquence une multiplication des notes de stratégie sur les politiques et programmes agricoles,
ainsi que de fréquents changements d’allocations de responsabilités entre ministères gérant
l’agriculture et l’élevage. Ces stratégies doivent maintenant être mises en oeuvre. La finalisation du
Plan Sectoriel Agricole, qui reste en gestation depuis 2007, devrait marquer une révision du Plan
d’Action de Développement Rural (PADR). Entretemps, le Programme National de Développement
Rural (PNDR), mise à jour du PADR, est le cadre de référence valide, avec le Plan d’Action Nationale
pour la Sécurité Alimentaire (PANSA).
Trois directions peuvent être explorées. Premièrement, les services de vulgarisation agricoles, outre
qu'ils ont été décimés par les programmes d’ajustements structurels au cours des années 1980, ont
longtemps adopté une approche centralisée prenant insuffisamment en compte tant les contextes
locaux que les demandes et les contraintes des paysans. Les Centres de Services Agricoles (CSA)
déployés dans certaines régions devront recevoir une attention soutenue pour devenir efficaces. Un des
principaux leviers pour améliorer les services de vulgarisation serait le renforcement de la coopération
avec les organisation des paysans, notamment le soutien à des méthodologies de dissémination
horizontale des meilleures pratiques de paysans à paysans. Deuxièmement, plus de ressources
devraient être allouées au Fonds régional de développement agricole (FRDA), qui doit apporter un
appui financier aux paysans sous forme de petites infrastructures d’appui à la production,
d’équipements et matériels, de services à la production agricole, de structuration des organisations de
producteurs et de soutien au développement des systèmes de crédit agricole. Troisièmement, l’accès au
crédit pour les paysans reste un défi. Certaines banques et institutions de microfinance, telles que les
CECAM, refusent les certificats fonciers comme garantie ; d'autres ne proposent pas de prêts adaptés
aux cycles économiques agricoles. Un déficit d’accès au crédit restera un obstacle au développement
rural agricole et non-agricole.
Le Rapporteur spécial encourage les autorités malgaches et la communauté internationale de
développer le potentiel d’amélioration de la production agricole par le soutien aux pratiques
agroécologiques (i) en accompagnant activement le développement des groupements et réseaux
d’organisations pionnières en agroécologie et en s’appuyant sur leurs expériences ; (ii) en donnant
pour mission aux Centres de Services Agricoles (CSA) de capitaliser les meilleures expériences à
l’échelle des différentes régions du pays et de les disséminer à l’aide de méthodologies horizontales
comme les échanges ‘de paysan à paysan’; (iii) en utilisant davantage les projets ‘Argent contre
Travail’ ou ‘Vivres contre Travail’ pour renforcer la lutte anti-érosive par des pratiques et
investissements adaptés. Le Rapporteur spécial appelle par ailleurs les organisations internationales à
financer le plus rapidement possible la campagne antiacridienne proposée par la FAO à l’aide de
biopesticides, ainsi que le dispositif d'intervention à long terme.
2. Soutien aux petits éleveurs
L’élevage est pratiqué sur 240 000 km², soit 87% de la surface arable, et compte pour 34,3% du PIB
agricole. 77% des ménages pratiquent l’élevage sous une forme ou une autre, essentiellement des
6
petits ruminants et de la volaille. Pour une majorité de ménages, il constitue une activité d’appoint,
surtout en période de soudure, ou en cas de mauvaise récolte. Cependant, les cycles de sécheresse
entraînent des pertes et des ventes exceptionnelles de bétail, poussant les prix à la baisse et affectant
les revenus des éleveurs.
Le Rapporteur spécial salue la volonté du ministère d’améliorer les soins vétérinaires : les maladies
causent des ravages parmi les troupeaux, et les éleveurs sont forcés à pratiquer des ventes de stress
pendant les périodes de soudure. Cependant, il s'interroge sur la vision actuelle du Ministère de
l'Elevage, qui est de structurer le secteur en filières et de le faire évoluer ‘vers un système industriel
généralement décrit comme moderne, répondant à des normes internationales, les rendant plus
compétitifs’.Cette stratégie pourrait laisser la plus grande masse d’éleveurs marginaux sans soutien
public. Et elle ne répond à priori pas au problème majeur du brûlis, qui a un impact négatif sur la
déforestation et l’érosion des sols. Les stratégies visant à améliorer la gestion des parcours, des
pâturages et des points d’eau, telles que testées dans plusieurs programmes régionaux, y compris
l’introduction de cultures fourragères d’appoint, semblent mieux à même d’améliorer le sort d’une
majorité d’éleveurs tout en créant des conditions pour une gestion durable des pâturages.
IV. L'accessibilité de nourriture : soutenir les revenus des plus pauvres
1. La politique foncière et les investissements dans l'agriculture
En novembre 2008, les médias révélaient le projet de la société sud-coréenne Daewoo Logistics de
prendre en bail pour 99 ans, pour la culture de maïs et d'huile de palme à des fins d'exportation, 1,3
millions d'hectares de terres, moyennant un investissement de 6 milliards USD sur 25 ans. Cet épisode,
ainsi que les démarches de la firme indienne Varun International de développer 465.000 ha de cultures
notamment dans la région de Sofia y sous la forme d'agriculture contractuelle, ont attiré l'attention de
la population malgache et de la communauté internationale sur les risques liés aux investissements
fonciers à grande échelle pour les communautés locales. La résistance qu'a rencontrée le projet de
Daewoo Logistics au sein de la société civile malgache démontre la sensibilité de cette question. Les
superficies totales potentiellement concernées par les projets d'investissement à grande échelle
annoncés depuis 2005 sont de 3 millions d'hectares, soit entre 15 et 37 % de la surface arable totale
selon le mode de calcul adopté, alors que 2 millions d'ha sont aujourd'hui cultivés par environ 2,5
millions d'exploitations familiales. En partie en raison de l'incertitude sur les régimes fonciers et de la
lourdeur des procédures destinées à l'acquisition de larges surfaces de terres non encore exploitées, et
en partie suite à la crise politique, qui accroît considérablement les risques pour l'investisseur, les
projets d'investissements agricoles annoncés depuis 2005 n'ont cependant été réalisés qu'en très petite
partie. Sur les 52 projets d'investissements à large échelle annoncés depuis 2005, un quart seulement a
été mis en oeuvre (pour une surface totale de 23.000 ha), alors qu'un tiers a été abandonné : les autres
(pour une surface totale de 130.000 ha) sont à l'heure actuelle en cours de montage. Les
investissements actuellement en cours de réalisation se répartissent en deux groupes : environ un tiers
sont le fait d'investisseurs malgaches, et portent sur l'acquisition de relativement petites surfaces
destinées notamment au traitement de la canne à sucre en vue de la transformation en éthanol ; le reste
concerne la location de terres par des investisseurs étrangers, surtout européens, notamment pour la
production d'agrocarburants (surtout de biodiesel à partir de jatropha).
La suspension de fait des investissements agricoles à grande échelle depuis 2009 doit être vue comme
une opportunité de réfléchir aux mesures à prendre afin de garantir l'établissement d'un cadre adéquat
conforme aux exigences du droit à l'alimentation. Deux facteurs sont ici à prendre en considération.
D'abord, indépendamment même de l'incertitude pesant sur les estimations de terres "non exploitées",
il faut envisager avec suspicion les références abstraites aux quantités de terres disponibles. Comme
souligné plus haut, presque 80 % de la population malgache dépend de l'agriculture, notamment d'une
agriculture de subsistance destinée à l'auto-consommation pratiquée sur de très petites surfaces.
L'accès aux ressources naturelles -- terre et eau -- est donc vital notamment pour les segments de la
population les plus pauvres, et la question se pose de savoir s'il existe une concurrence entre les petits
agriculteurs malgaches et les investisseurs extérieurs aux communautés locales pour l'accès à la terre.
7
La cession de terres aux investisseurs extérieurs (sous forme de bail, s'agissant des investisseurs
étrangers) est parfois défendue par le constat qu'il existerait une quantité considérable de terres arables
non mises en valeur. Cependant, il importe de noter que les terres ne présentent pas toutes un même
intérêt : les terres bénéficiant d'un apport suffisant d'eau de pluie, sur des surfaces relativement planes,
et situées près des voies de communication (routes nationales ou ports), sont celles qui intéressent le
plus les investisseurs. Compte tenu de la grande variabilité dans l'intérêt que présentent les terres pour
les exploitants potentiels, la référence à des valeurs agrégées de terres disponibles ne présente donc
que peu d'intérêt : c'est au plan local, s'agissant de projets d'investissement précis, qu'il faut poser la
question de la concurrence entre le soutien à la petite agriculture familiale et les projets agroindustriels,
voués à l'exportation, que les investisseurs proposent de développer.
Un deuxième facteur à prendre en compte est que le développement de la petite agriculture familiale,
dont dépend la très grande majorité de la population la plus pauvre de l'île, requiert des
investissements dans les infrastructures de transport, des travaux de collecte de l'eau de pluie, et le
développement de services de vulgarisation agricole. L'agriculture familiale est en outre mieux placée
que les grandes exploitations agro-industrielles pour contribuer au développement rural et à la
réduction de la pauvreté rurale, ainsi qu'au développement d'une agriculture diversifiée, mieux à même
de faire face aux phénomènes météorologiques extrêmes associés au changement climatique et de
garantir la sécurité alimentaire dans les zones rurales. Dans les zones rurales reculées, coupées de
voies de communication pendant au moins une période de l'année ou bien vers lesquelles
l'acheminement de nourriture entraîne des frais importants renchérissant le prix des denrées
alimentaires pour le consommateur final, le développement de cultures vivrières présente un intérêt
vital. Mais soutenir l'agriculture familiale suppose que l'Etat dispose de budgets suffisants. Or, le
régime fait aux investisseurs étrangers ne permet pas aujourd'hui à Madagascar de tirer profit de
l'arrivée de ces investisseurs, autant qu'il lui serait possible de le faire. Les loyers demandés par l'Etat
pour les terres qu'il cède en bail sont très faibles (de l'ordre de 0,60 euros / ha / année). Les impôts
fonciers sur les terrains à payer à la commune et l'impôt sur les revenus ou sur les bénéfices nets sont
situés à un niveau très peu élevé.
Le cadre juridique actuel comprend trois volets. La loi n° 2007-036 du 14 janvier 2008 sur les
investissements à Madagascar garantit la liberté d'investissement (art. 2) ainsi que l'égalité de
traitement des investisseurs étrangers (art. 3), et prévoit d'autres garanties en faveur de l'investisseur
étranger. La loi charge l'Economic Developement Board of Madagascar (EDBM) d'autoriser les
acquisitions foncières ou de retirer ces autorisations, en cas de non-respect des conditions fixées ou si
le projet d'investissement n'est pas réalisé dans un délai de six mois à compter de l'émission du titre de
propriété (art. 20). Suite à la crise politique de 2009, le fonctionnement de l'EDBM est de facto
suspendu, la Banque mondiale, qui en assurait le financement, ayant mis fin à son soutien. L'EDBM ne
remplit donc pas le rôle de "guichet unique" pour les candidats investisseurs étrangers qu'il était
destiné à tenir. Les décrets d'application de la loi sur les investissements n'ont pas été pris.
Le Décret n°99-954 du 15 Décembre 1999 relatif à la mise en compatibilité des investissements avec
l'environnement (MECIE) prévoit que tout projet d'investissement agricole portant sur une surface
supérieure à 1000 ha soit précédé d'une étude d'impact environnemental (EIE), comprenant également
une analyse des impacts sociaux et économiques. La mise en oeuvre du décret est confiée à la
surveillance de l'Office national pour l'environnement (ONE), qui valide l'étude d'impact en vue de la
délivrance du permis environnemental d'exploitation, et qui établit le cahier des charges. La procédure
inclut en principe la consultation au niveau local des autorités et de la population, qui se fait soit par
consultation sur place des documents, soit par enquête publique, soit par audience publique (art. 15 et
suiv.).
Cependant, cette procédure souffre de plusieurs déficits. La consultation des populations concernées
ne signifie pas qu'elles puissent s'opposer au projet, même si celui-ci affectera leurs moyens
d'existence, et le projet n'a pas à être redéfini en fonction des préoccupations émises. Les
communautés locales n'ont pas souvent la capacité de prendre part à la consultation de manière
effective, compte tenu des informations dont elles disposent quant aux impacts attendus de
8
l'investissement. Les résultats de l'EIE ne doivent pas être rendus publics, ce qui réduit la possibilité
pour les communautés locales de vérifier s'il a été tenu compte ou non de leurs préoccupations. Enfin,
tandis que le promoteur du projet dispose d'une voie de recours contre le refus d'octroi du permis
environnemental, les communautés locales n'ont pas accès à un mécanisme indépendant de contrôle
permettant de vérifier que la décision d'octroi du permis a pris en compte leurs intérêts.
Enfin, mettant en oeuvre un Plan national foncier de 2003, la loi-cadre foncière n° 2005-019 du 17
octobre 2005 a engagé une réforme foncière dont les principales caractéristiques résident dans
l'abandon de la présomption de domanialité selon laquelle l'Etat est propriétaire des terres non
immatriculées, et dans la possibilité pour les guichets fonciers établis à l'échelle des communes de
délivrer des certificats fonciers valant titre. La certification de la propriété est ainsi devenue plus
aisément accessible, parce que décentralisée et rapide - la titrisation supposait auparavant de passer par
le Service des domaines de l'Etat, elle peut à présent passer par les guichets fonciers établis au niveau
d'un nombre croissant de communes -, et abordable, car son coût est faible en comparaison de
l'acquisition d'un titre proprement dit. Bien que le processus de certification demeure incomplet, son
succès est incontestable : en juillet 2011, 416 guichets fonciers avaient été établis, pour un total de
1550 communes, et près de 60.000 certificats avaient été délivrés. Cette réforme représente un progrès
réel, car elle fait obstacle à ce que l'Etat accorde à un candidat-investisseur des droits sur des terres soit
lorsqu'elles ont fait l'objet d'une titrisation, soit lorsqu'il a été certifié, au plan de la commune, qu'il
s'agit d'une terre occupée.
Ce régime, pris dans son ensemble, demeure insatisfaisant. Outre les insuffisances propres à l'octroi
d'un permis environnemental, il ne tient pas compte de la réalité de la concurrence entre deux projets
potentiellement antinomiques : l'attrait d'investisseurs étrangers afin d'assurer la mise en exploitation
de terres "sous-utilisées", d'une part, le soutien à la petite agriculture familiale dans l'intérêt de la
sécurité alimentaire locale, d'autre part. Si ces deux objectifs peuvent être conciliés, encore faut-il
organiser cette coexistence, notamment en créant des liens entre les investissements agro-industriels et
les options de vie des petits agriculteurs. En outre, dans l'organisation du régime accordé aux
investisseurs, la répartition des bénéfices entre ceux-ci et les communautés locales sera généralement
inéquitable, compte tenu de ce que les procédures actuelles ne suffisent pas à équilibrer les rapports de
négociation très inégaux entre les parties. Ensuite, pour bienvenue qu'elle soit, la réforme foncière
engagée en 2005 ne suffit pas, à elle seule, à garantir que les parcelles cultivées par les petits
agriculteurs seront mieux exploitées. La certification semble en effet n'avoir qu'un effet marginal sur
l'augmentation de la productivité des parcelles.
Les réformes engagées à la suite du Plan national foncier n'ont pas non plus permis d'assurer une
distribution plus équitable de la terre, et ce ne sont pas nécessairement les ménages les plus pauvres
qui ont le plus bénéficié des possibilités de certification : en fait, il n'est pas rare que ces ménages
recourent au métayage (pourtant formellement interdit) ou à la location de terres certifiées au nom d'un
autre propriétaire, et soient obligés de céder une part importante des récoltes ou de consacrer une part
importante des revenus tirés de la terre au paiement de la location.
2. Les politiques du riz : paix sociale ou développement ?
Le riz revêt une importance vitale pour Madagascar : nutritionnelle, économique, politique et
culturelle. Le principal enjeu pour les autorités malgaches reste la gestion du prix, enjeu majeur de
paix sociale dans un pays où les ménages dépensent plus de 30% de leurs budgets à l’achat de cette
denrée de base et où la moitié des ménages producteurs de riz sont en fait des acheteurs nets de riz.
L’enjeu consiste à concilier des prix incitatifs pour les producteurs, des marges attirantes pour les
opérateurs et des prix accessibles pour les consommateurs.
Madagascar produit la grande majorité du riz consommé, important en moyenne 100 à 200.000 tonnes
de riz par an au cours de la dernière décennie, soit entre 5 et 10% de la consommation totale. Le prix
du riz s’est envolé à partir de décembre 2010, pour atteindre 1550 Ar/kg en février. Si cette hausse
s'explique par la période de soudure (octobre à mars), elle se situe à près de 30% de plus que les
9
maxima observés aux cours des années précédentes. Les prix se sont maintenus à des niveaux élevés
jusque début mai avant une modeste baisse amenant les marchés à des cours qui varient entre 1000 et
1300 ariary en fonction des marchés régionaux, le prix du transport entre localités créant de fortes
disparités régionales.
La constitution de la Plateforme de Concertation pour le Pilotage de la Filière Riz (Plateforme Riz) a
créé un espace d’information et de concertation sur le riz, idée latente depuis les années 1990. La
Plateforme Riz est composée de 24 membres issus de huit collèges représentants tous les acteurs
concernés, privés et publics. Elle a été mise sur pied en juillet 2005, mais son financement n'a démarré
qu’en septembre 2008, soit quelques mois avant la crise. Un Observatoire du Riz a également été créé
en mi-2005 pour développer un système d’information sur le marché et aider au pilotage de la filière.
Bien qu’il soit difficile d’évaluer l’impact de ces nouvelles institutions, il semble que l’empreinte de la
concertation sur certains paramètres majeurs reste limitée. Si l’Observatoire du Riz permet une
meilleure circulation de l’information sur les prix et si la Plateforme Riz – forcée à un régime de veille
suite à la crise politique – a amélioré le niveau d’information des acteurs et décideurs, elle n’a pas
abouti à distribuer plus équitablement les bénéfices parmi les différents acteurs de la filière,
notamment en garantissant un prix rémunérateur pour les petits producteurs, ni à avoir un impact
significatif sur un redéploiement de la riziculture. Les performances de la filière riz restent faibles
depuis trente ans malgré de récentes améliorations. Le déploiement de nouveaux périmètres irrigués
est essentiellement la conséquence de projets soutenus par les bailleurs de fonds internationaux et les
agences internationales. Par ailleurs, la Plateforme n’a pas été consultée lors de la définition de
stratégies agricoles majeures, et elle reste marquée par une forte asymétrie de pouvoir entre les
producteurs (peu structurés et peu équipés à la négociation) et les acteurs de l’aval (par ailleurs
familiers des circuits politiques),
Le Rapporteur spécial salue les efforts des autorités malgaches pour améliorer la filière riz, et les
encourage à en améliorer le fonctionnement de manière à ce qu’elle opère au bénéfice de la plus
grande majorité de producteurs via quatre mesures. (i) La plateforme de concertation de la filière riz
pourrait être améliorée en y renforçant le rôle des organisations de producteurs et en la mandatant pour
créer les conditions d’une autosuffisance nationale en riz, notamment en assurant durablement des prix
équitables aux producteurs. (ii) Les capacités de stockage de riz décentralisées et proches des
producteurs devraient être systématisées et soutenues pour permettre aux producteurs de ne pas être
forcés de vendre au moment de la récolte, quand les prix sont les plus bas. Des initiatives existantes
pourraient être renforcées, notamment les Greniers Communautaire Villageois (GCV), forme
malgache du système de warrantage permettant aux producteurs de faire tourner les fluctuations du
cours du riz à leur profit via un mécanisme procurant des rentrées directes lors de la récolte, mais de
vente au moment où les cours sont élevés. (iii) L’emprise de la concentration du secteur au niveau de
la collecte et de la transformation devrait être contrôlée par la poursuite de la politique de transparence
sur les prix, mais renforcée par la promotion de marchés ruraux. (iv) Par ailleurs, les pouvoirs publics
devraient gérer les importations d’une manière à stimuler la production nationale.
3. Pêche et droit à l’alimentation
La pêche revêt une importance centrale pour la sécurité alimentaire à Madagascar, comptant pour
près de 20% de la consommation des protéines animales. La pêche traditionnelle de subsistance est
d’ailleurs devenue une stratégie de survie pour un nombre croissant de Malgaches dans le contexte de
la crise politique et économique. Cette pêche traditionnelle, qui emploie approximativement 60.000
pêcheurs, coexiste avec une pêche industrielle dominée par des flottes étrangères de bateaux modernes.
Madagascar dispose de 5603 kilomètres de côtes et d’une Zone Economique Exclusive de 1.140.000
km² (presque le double de la superficie terrestre de Madagascar) dans une zone considérée comme une
des plus importantes zones de pêche thonnières du monde.
Madagascar a signé des accords de pêche avec l’Union européenne ainsi qu’avec des sociétés
asiatiques. Le Rapporteur spécial émet les plus fortes réserves sur l’absence de données fiables
10
disponibles ou recueillies sur les stocks de poissons disponibles ainsi que sur les données concernant
la pêche conclue dans le cadre de la plupart des accords signés. Certains de ces accords prévoient
uniquement le nombre de bateaux autorisés à pêcher dans les zones de pêche déterminées, mais ne
déterminent pas de quotas spécifiques, permettant ainsi, en principe la pêche de quantités illimitées.
Le Rapporteur spécial craint que ces accords de pêche ne fournissent pas de garanties suffisantes pour
l'exploitation durable des ressources marines. Il constate également avec préoccupation le manque de
transparence dans la négociation d'accords de pêche et les difficultés rencontrées par le gouvernement
dans la collecte de données fiables sur la quantité réelle de poissons capturés par des navires de pêche
étrangers dans sa zone économique exclusive.
C'est sur l'accord actuel avec l'UE, couvrant la période 2007-2012, que l'information est la plus
complète et disponible. Selon cet accord, un total de 124 navires européens de pêche industrielle sont
autorisés à pêcher dans les eaux de Madagascar contre un paiement au gouvernement de 864.500
euros par an équivalent à un tonnage de référence de 13 300 tonnes par an. Ce montant est complété
par un montant de 332.500 EUR par an dédié à l’appui et à la mise en oeuvre de la politique sectorielle
de pêche de Madagascar.
Les experts estiment que Madagascar reçoit actuellement une compensation financière d'un peu moins
de 1,7 million d'euros par an, équivalent à 125 euros par tonne de thon, comparé à un prix par tonne
reçu par les pêcheurs au premier point d'atterrissage de plus de 1000 euros. L'écart entre la
compensation financière et les profits tirés de la pêche industrielle reflète les rapports d'inégalité des
parties dans la négociation des accords de pêche.
De nouveaux accords de pêche sont en cours de négociation avec Madagascar. Le Rapporteur spécial
souligne l'importance d'harmoniser ces accords avec des objectifs de développement ainsi que la
réalisation progressive du droit à l’alimentation et l'utilisation durable des ressources naturelles. En
particulier, le Rapporteur spécial appelle à une plus grande transparence sur les processus de
négociation et les termes des accords conclus.
Le Rapporteur spécial encourage les autorités malgaches à négocier les futurs accords de pêche avec
le plus grand soin afin de retirer des revenus substantiels de l’activité de pêche et garantir une pêche
durable, notamment en coopérant avec les Etats de la région pour élaborer une vision commune de la
pêche et en construisant une voix régionale plus forte dans les instances de gestion de la pêche
actuellement dominées par les pays consommateurs. Il appelle également à une plus grande
transparence sur les processus de négociation et les termes des accords conclus, notamment les
contreparties économiques des accords, et les quotas. Le Rapporteur spécial appelle les bailleurs de
fonds et organisations internationales à soutenir le plus rapidement possible les autorités malgaches à
développer une réelle capacité de surveillance des stocks de poissons disponibles et des quantités de
poissons capturés, ainsi qu’une plus grande capacité de négocier des accords de pêche équitables.
Madagascar, un des pays les plus pauvres du monde, ne peut se développer sans être assuré d'un
traitement équitable dans les accords de pêche, de sorte que la compensation financière pour
l'exploitation du thon et des autres espèces marines soit étroitement alignée avec la valeur de marché.
V. L'impact des sanctions internationales
Depuis le changement inconstitutionnel de régime du 17 mars 2009, le soutien des donateurs à
Madagascar a été réduit d'au moins 400 millions USD. Cette réduction de l'aide internationale a
particulièrement affecté les travaux d'infrastructure, la création d'emplois productifs, et le soutien au
renforcement des capacités institutionnelles. Ce régime de sanctions a aggravé une situation déjà
rendue difficile par la crise financière et économique de 2008-2009 et par la hausse des prix des
denrées alimentaires. Madagascar est dans une situation particulièrement vulnérable dès lors que les
donateurs contribuaient à hauteur d'environ la moitié du budget de l'Etat, et à 70 % du budget consacré
aux services publics. La réduction depuis 2009 du montant global de l'aide versée n'a été que
partiellement compensée par la hausse de l'aide humanitaire allant aux secteurs de l'éducation, de la
11
santé et de la protection sociale, ainsi que de la sécurité alimentaire, passant de 180 millions USD en
2008 à 260 millions USD en 2010.
La crise politique est entrée dans sa troisième année. Elle demeure non résolue, malgré les efforts de
médiation entamés conjointement par l'Union africaine, la Communauté de développement de
l'Afrique australe (SADC), l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation internationale de la
francophonie. L'Union africaine a suspendu Madagascar et a imposé des sanctions ciblées sur Andry
Rajoelina ainsi que sur les dirigeants de la Haute Autorité de la Transition et sur les supérieurs de
l'armée, ces sanctions incluant le refus de visas, le gel des avoirs bancaires, et l'isolement
diplomatique.
La non-reconnaissance de la HAT par la communauté internationale a conduit la plupart des donateurs
à contourner l'administration actuelle. Les Etats-Unis ont suspendu l'aide non-humanitaire ainsi que
toute forme d'assistance directe au Gouvernement de Madagascar. Depuis le 1er janvier 2010, ils ont
également suspendu Madagascar du bénéfice de l'African Growth and Opportunity Act, qui permettait
aux exportations malgaches vers les Etats-Unis d'être exemptées des tarifs à l'importation. Ceci a
constitué un revers sévère pour l'économie malgache, dont la moitié des exportations en valeur était
constitué de produits textiles destinés aux Etats-Unis. Cette sanction à elle seule a conduit à la
fermeture de la quasi totalité des industries textiles de la région de la capitale, créant la perte de 50.000
emplois et signifiant la ruine d'un secteur économique dont le chiffre d'affaires annuel était de 654
millions USD avant l'adoption de cette mesure. Les Etats-Unis poursuivent leur aide humanitaire dans
les domaines de la santé et de la sécurité alimentaire par le canal d'organisations non-gouvernmentales
et autres organisations privées. Le Royaume-Uni a suspendu les mesures d'allègement de la dette de
Madagascar, et l'aide qu'il a apportée au pays est passée de 24,5 millions USD en 2007 à 4,1 millions
USD en 2010. L'Union européenne, le plus important donateur de Madagascar avant la crise politique
de 2009, a également suspendu toute l'aide au développement passant par le gouvernement, ce qui
représente un manque à gagner de 600 millions d'euros en aide. L'UE a récemment décidé de renforcer
le régime des sanctions appliquées à Madagascar jusqu'au 6 décembre 2011, tout en s'engageant à
procéder à un examen régulier du régime des sanctions. La SADC a suspendu Madagascar de ses
membres et a adopté des sanctions commerciales contre le régime.
Ces sanctions signifient qu'à l'aide au développement soutenant l'amélioration des infrastructures, la
création d'emplois et le renforcement des capacités institutionnelles, s'est substituée une aide
humanitaire, purement palliative, destinée à réduire les souffrances de la population : l'aide en vient à
traiter les symptômes les plus graves de la pauvreté, tout en en renforçant les causes. La capacité de
l'appareil d'Etat à fournir à la population des services publics de base, notamment dans les domaines
de la santé et de l'éducation, s'en trouve gravement affectée. Le taux de fréquentation dans
l'enseignement primaire a ainsi chuté de 83 % en 2005 à 73 % en 2010, et le nombre d'accouchements
bénéficiant d'un accompagnement spécialisé a chuté de 51 % en 2006 à 44 % en 2009. La montée de la
pauvreté affecte particulièrement les enfants : 72 % des enfants vivent dans des taudis ou dorment
dans la rue, et le Rapporteur spécial a reçu des informations de la part des agences des Nations Unies
sur place indiquant qu'aujourd'hui près d'un tiers des enfants n'avaient plus accès à l'enseignement.
Ceci va de pair avec une fragmentation accrue de l'aide, ce dont attestent l'augmentation du nombre de
projets bénéficiant d'un financement externe, qui sont passés de 52 en 2008 à 102 en 2010, ainsi que la
réduction de la taille moyenne des projets (de 54 % en matière de protection sociale, de 26% dans le
domaine de la santé, et de 22 % dans le secteur de l'éducation). Ceci rend difficile la coordination de
l'aide extérieure et l'alignement de l'aide sur les priorités définies au plan national, conformément à la
Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide. En outre, les services de l'Etat sont progressivement
marginalisés en raison de l'acheminement de l'aide par le canal des organisations nongouvernementales
: en 2008, 30% des contributions des donateurs dans le domaine social ont été à des
projets mis en oeuvre par les ministères de l'éducation et de la santé; 10% seulement l'ont été en 2010.
Des sanctions économiques telles que celles imposées à Madagascar produisent incontestablement des
impacts sur le niveau de jouissance des droits économiques et sociaux. Parmi les droits les plus
12
affectés sont le droit au travail, le droit à l'éducation, le droit au meilleur état de santé susceptible d'être
atteint, et le droit à l'alimentation. L'augmentation de l'aide humanitaire, destinée à compenser les
impacts des sanctions économiques, n'y suffit manifestement pas : la Banque mondiale relève, dans un
rapport de mars 2011, que l'augmentation de l'aide au secteur social (éducation, santé, et protection
sociale y compris sécurité alimentaire) a crû de 40% entre 2008 et 2010, mai qu'en même temps les
indicateurs sociaux ne montrent aucune amélioration de la situation de la population. En outre, le repli
de l'aide sur des projets gérés par les ONG dans les secteurs social et humanitaire signifie une
réduction des capacités opérationnelles de l'Etat, ce qui hypothèque les chances de développement à
moyen terme et contribue à la perte de légitimité de l'Etat aux yeux de la population. Enfin, les progrès
dans les domaines de la santé et de l'éducation ne passe pas seulement par des projets ciblés de qualité,
mais aussi par l'amélioration des infrastructures d'eau, d'électricité ou de voies de communication, à
défaut de quoi la réponse humanitaire ne peut conduire à des améliorations durables : ainsi par
exemple, l'absence d'accès à l'eau potable cause des diarrhées, qui font perdre 5 millions de journées
de travail par an, et sont la seconde cause de mortalité des enfants de moins de cinq ans dans le pays.
Il est essentiel d'opérer une distinction entre l'objectif des sanctions -- qui est d'amener les dirigeants
actuels de la HAT à rétablir l'ordre constitutionnel et à organiser des élections dans des conditions qui
garantissent le retour au pluralisme politique -- et les impacts sur la population. Loin de réduire le
pouvoir des élites gouvernementales, les sanctions économiques peuvent encourager la fermeture du
régime et le recours à la répression pour réduire l'insatisfaction sociale, et elles peuvent faire prospérer
l'économie souterraine et les trafics, au bénéfice même de ces élites entre les mains desquelles se
trouve le pouvoir économique. Le Secrétaire général des Nations Unies écrivait en 2000 dans son
rapport à l'Assemblée générale du Millénaire : "Lorsque des sanctions économiques rigoureuses
visent des régimes autoritaires, [c]'est généralement la population qui pâtit, et non l'élite politique dont
le comportement a motivé l'imposition de sanctions. De fait, les sanctions ont souvent l'effet pervers
de profiter à ceux qui détiennent le pouvoir : premièrement, ils peuvent contrôler le marché noir et
s'enrichir; deuxièmement, ils peuvent y trouver un prétexte pour éliminer leurs opposants politiques".
Le Rapporteur spécial ne se prononce pas sur la légitimité des sanctions en tant que telles, lesquelles
peuvent sous certaines conditions êtres conformes à la Charte des Nations Unies en présence d'une
menace pour la paix et la sécurité internationales. Mais le régime des sanctions doit tenir compte des
dispositions de la Charte qui garantissent le respect des droits de l'homme ainsi que du Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ainsi que l'a noté le Comité des
droits économiques, sociaux et culturels, "De même que la communauté internationale exige que l'Etat
visé respecte les droits civils et politiques de ses citoyens, l'Etat en question et la communauté
internationale elle-même doivent tout mettre en oeuvre pour protéger ne serait-ce que l'essentiel des
droits économiques, sociaux et culturels des personnes de cet Etat qui sont touchées". Ceci suppose
d'aller au-delà de l'introduction d'exceptions humanitaires, dont les effets sont limités. Pour qu'un
régime de sanctions économiques soit conforme aux exigences du Pacte, un certain nombre de
conditions doivent être réunies. Il faut qu'une étude d'impact sur les droits de la population ait précédé
l'imposition de sanctions. Il faut qu'un mécanisme périodique d'examen des sanctions soit mis sur pied,
permettant de modifier le régime des sanctions s'il s'avère qu'elles conduisent à une atteinte aux droits
de la population, ou s'il apparaît que les sanctions sont inefficaces. Il appartient enfin à l'Etat qui prend
des sanctions d"'agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales,
notamment sur les plans économique et technique' afin de remédier aux souffrances disproportionnées
infligées aux groupes vulnérables dans le pays vise".
Le Rapporteur spécial rappelle que "les habitants d'un pays ne sont pas privés de leurs droits
économiques, sociaux et culturels fondamentaux parce qu'il a été déterminé que leurs dirigeants ont
violé des normes relatives à la paix et à la sécurité internationales", et que "l'on ne doit pas répondre à
un acte illégal par un autre acte illégal au mépris des droits fondamentaux qui sous-tendent et
légitiment une action collective de ce genre". Il souligne aussi que des sanctions touchant les voyages
des dirigeants ou leurs avoirs financiers, ainsi que des sanctions militaires ou diplomatiques, peuvent
être mieux ciblées sur les dirigeants, sans affecter de la même manière la population civile.
13
Le Rapporteur spécial recommande, dans l'immédiat, une amélioration de la coordination entre les
donateurs internationaux présents à Madagascar, et entre ces donateurs et les organisations nongouvernementales,
afin d'éviter une dispersion des efforts et afin de s'assurer que les projets entrepris
en vue de soutenir la population se complètent et répondent aux besoins les plus urgents. L'objectif de
l'aide internationale devrait être d'étendre les programmes existants dont les impacts sont les plus
encourageants, plutôt que d'ajouter de nouveaux micro-projets. A court terme, la communauté
internationale doit réexaminer le régime des sanctions, qui tienne compte des conséquences de cellesci
sur la jouissance des droits économiques et sociaux de la population, et notamment du droit à
l'alimentation. La HAT quant à elle a l'obligation de garantir à sa population la jouissance de ces droits,
"au maximum des ressources disponibles" : bien que les sanctions réduisent inévitablement sa capacité
de financer ou soutenir certaines des mesures nécessaires, elle n'en conserve pas moins l'obligation de
garantir l'absence de discrimination dans l'exercice de ces droits et de prendre toutes les mesures en
son pouvoir pour réduire autant que possible les effets négatifs sur les droits des groupes vulnérables
au sein de la société. Cela inclut l'obligation d'engager des négociations avec d'autres Etats et avec la
communauté internationale, afin de mettre fin au régime des sanctions et d'avancer vers la tenue
d'élections conformes aux standards internationaux.
*****
Olivier De Schutter a été nommé Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation en mai 2008 par le
Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies. Il est indépendant de tout gouvernement et de toute
organisation.

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